Inscrit depuis 2009 au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, le Maloya, à la fois musique, chant et danse, est au coeur de l’histoire des réunionnais, et constitue l’âme musicale de La Réunion.
L’âme musicale de La Réunion
Le Maloya est un art musical mêlant les chants et la danse qui est né à l’origine pour exprimer la douleur et la révolte chez les esclaves d’origine malgache et africaine, dans les plantations sucrières de La Réunion. Le mot « Maloya » viendrait du terme maloy aho, qui signifie « parler » en malgache, mais aussi peut-être à d’autres significations, où il signifierait « douleur » ou « mal-être » dans de nombreux dialectes africains.
Le Maloya est très populaire à La Réunion, et il reflète l’identité culturelle métissée et ouverte des réunionnais. Il est très présent à l’occasion de différents évènements comme les kabars et la fête du 20 décembre (Fét Kaf), mais aussi quotidiennement au fond des jardins… créoles. Le Maloya a su occuper au fil de l’histoire une place inédite dans l’histoire et la culture réunionnaise, en sachant conserver ses racines et ses valeurs, et permet de mieux comprendre la vie d’une partie des réunionnais, et de se souvenir de cet héritage aux origines difficiles.
Une difficile reconnaissance
Si le Maloya est inscrit depuis 2009 au patrimoine immatériel de l’humanité certifié par l’Unesco, et qu’il se joue et s’écoute aujourd’hui partout et tout le temps, le chemin n’a pourtant pas été simple. Le Maloya a en effet pendant longtemps été interdit par l’administration coloniale, et il était donc pratiqué de façon clandestine et transmis dans le cercle familial. La simple détention de certains instruments de musique était d’ailleurs répréhensible. Le Maloya a progressivement conquis l’espace public à partir des années 1970, porteur notamment de revendications politiques, pour devenir aujourd’hui un art et une expression majeure de l’identité culturelle et musicale de La Réunion.
A l’origine, le Maloya était un dialogue épuré entre un soliste et un chœur accompagné de percussions aux instruments traditionnels (roulèr, kayamb, pikèr…), qui exprimait la douleur et la révolte, mais intégrait aussi une dimension spirituelle et un hommage aux ancêtres. Il était pratiqué en secret au fond des plantations de canne ou des maisons, notamment dans le cadre de « services kabaré », qui marquaient un événement ou la fin de la campagne sucrière, et d’où provient le nom de Kabar, aujourd’hui utilisé pour décrire un rassemblement musical où l’on joue notamment du Maloya. La danse du Maloya, en lien avec ses rythmes tantôt lancinants, tantôt plus rapides, et les instruments utilisés, se danse en différents pas et déhanchés, et en tournant au rythme de la mélodie et des percussions.
Quelques instruments traditionnels réunionnais :
Roulèr : le Roulèr (rouleur) est un gros tambour (tonneau avec une peau de boeuf tendue) sur lequel le percussionniste s’assoit « à cheval » afin de modifier la tension et le timbre, et sur lequel il tape à deux mains.
Kayamb : le Kayamb est un constitué d’un cadre en bois (mâts de choca) et de deux panneaux de tiges de fleurs de canne à sucre (tressés à l’époque, cloués maintenant) dans lesquels on met différentes graines en fonction de la sonorité souhaitée (conflor, job, safran maron, maïs, piécettes, bouts de verre…). L’instrument est agité à deux mains.
Pikèr / Sati : le Pikèr est un instrument composé simplement d’un noeud de bambou sur lequel on tape avec deux baguettes. Le Sati est son équivalent en métal (tôle).
Bobre : le Bobre est un instrument composé d’un arc et d’une corde (choca) sur laquelle le musicien frappe avec une baguette (batavek), et une calebasse coulisse sur la corde en guise de caisse de résonance, permettant ainsi de produire plusieurs effets simultanés.
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Le Maloya aujourd’hui
Aujourd’hui, le Maloya est fièrement représenté et pratiqué à La Réunion. Il a su évoluer et s’enrichir en intégrant d’autres influences, de nouvelles sonorités ou de nouveaux instruments (djembés, synthétiseurs, batteries, guitares…), et il se décline aujourd’hui en maloya-rock, maloya-reggae (malogué), maloya-jazz ou fusion. Un peu comme le Blues pour les américains, le Maloya pour les réunionnais exprime la peine, la nostalgie mais aussi la liberté et la joie.
Les services culturels du Conseil Régional de la Réunion recense aujourd’hui environ 300 groupes musicaux qui déclarent pratiquer le Maloya, professionnels ou semi-professionnels, et de nombreux albums sont produits et sortent chaque année, ainsi que de très nombreux Kabars et concerts sur l’île et ailleurs. De tout temps transmis entre générations au sein des familles, le Maloya est enseigné depuis 1987 au conservatoire à rayonnement régional de la Réunion.
De nombreux artistes ont participé à la « mise en l’air » du Maloya à partir des années 1970, et y contribuent pour certains encore aujourd’hui, citons notamment Alain Peters (et les Caméléons), Firmin Viry, Danyèl Waro, Gramoun Lélé, Baster, Ousanousava ou encore Ziskakan pour les plus connus, mais la liste est bien plus longue.
Un patrimoine unique
A l’image du patrimoine naturel de la Réunion, Le Maloya est unique au monde, il reflète l’âme et la culture réunionnaise, et son histoire difficile au temps du marronnage. Longtemps interdit pour mieux le dissiper, de nombreux et fervents défenseurs de cet art musical ont réussi, non sans peine, à hisser le Maloya sur la liste du patrimoine mondial immatériel de l’Unesco, lui rendant ainsi toute sa valeur et la place qu’il occupe dans l’histoire et la culture réunionnaise.
Patrimoine vivant de l’héritage du passé réunionnais, le Maloya réussit l’extraordinaire performance de concilier son histoire et ses racines, et paradoxalement son intégration dans une culture réunionnaise « moderne », ouverte et mondialisée. Il contribue largement aujourd’hui à l’ambiance festive et accueillante qui fait la réputation de la Réunion.
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