La Réunion est riche d’une histoire de plus de cinq siècles. L’île devient française dès 1638 et intègre ensuite la Compagnie des Indes pendant un siècle. A partir de 1789, la période révolutionnaire aboutit par l’abolition tardive de l’esclavage. La Réunion reste une colonie et devient un département français en 1946. Elle connait depuis lors un développement fort mais aussi des bouleversements importants.
Chronologie et grandes dates de l’histoire réunionnaise
300 ans de colonisation qui ont vu l’essor de l’industrie sucrière mais aussi une longue période d’esclavage, et 70 ans seulement de départementalisation qui ont profondément bouleversé la morphologie de l’île et la société réunionnaise.
1507 – 1663 : Découvertes et prise de possession
Nommé par les portugais Santa Apollonia dès 1507, c’est Pedro de Mascarenhas qui en 1513, en croisant au large de l’archipel formé par La Réunion, l’île Maurice et Rodrigues, lui donne son nom, Mascareignes. Avant cette période, seuls les Arabes et les Austronésiens (habitant l’Indonésie et la Malaisie d’aujourd’hui) connaissent l’océan Indien.
C’est le commandant Salomon Goubert qui pose le premier pied français sur l’île et en prend possession en 1638. Une nouvelle prise de possession symbolique a lieu en 1642, mais c’est en 1649 que Etienne de Flacourt, commandant de Fort Dauphin, renouvelle officiellement la prise de possession de l’île au nom du roi de France, et la nomme L’Isle de Bourbon. L’île ne sera pourtant pas occupée immédiatement.
Fort Dauphin : ce comptoir français situé sur la côte Sud-Est de Madagascar a été crée en 1643 et devait permettre la conquête des Indes, mais il s’est avéré précaire et dangereux. C’est après cette déconvenue que la France s’intéressera plus sérieusement à l’Isle de Bourbon pour assurer ce rôle.
1663 – 1789 : Colonisation et Compagnie des Indes
C’est en 1663 qu’un premier groupe mené par Louis Payen et 10 malgaches s’installe à Saint-Paul pour y habiter durablement, bien que la colonisation officielle de l’Isle de Bourbon revienne plutôt à Etienne Regnault qui en 1665 s’y installe avec une vingtaine de colons arrivés de France. C’est à partir de cette date que le peuplement définitif de Bourbon débute et que la Compagnie des Indes installe son premier comptoir et organise la colonie.
La Compagnie des Indes administre directement l’Isle de Bourbon et la colonisation commence avec l’arrivée des premiers colons français accompagnés d’une main-d’œuvre malgache. L’administration crée les premiers quartiers, exploite les richesses et accorde les premières concessions. Saint-Denis voit le jour en 1667 et devient le chef-lieu à la place de Saint-Paul en 1738.
Les gouverneurs vont se succéder jusqu’en 1735, date à laquelle Bertrand-François Mahé de la Bourdonnais va durablement laisser son empreinte jusqu’en 1746, en définissant notamment les rôles entre l’Isle de Bourbon et l’Isle de France (Maurice) et en développant considérablement l’administration et les infrastructures de Bourbon, bien que relégué au second plan par rapport à l’île soeur. C’est notamment l’âge d’or de l’implantation des plants de moka et du café.
Ce développement important s’accompagnera d’un fort courant d’importation d’esclaves, essentiellement malgaches puis africains : on en dénombre ainsi 4 500 en 1736, et 23 000 en 1779. Les esclaves sont assimilés à des « meubles », ils ne peuvent rien posséder en propre et n’ont pas de responsabilité civile, « le maître répond de ces actes ».
L’augmentation de la population, le partage et le manque de terre mais aussi la faillite progressive de la culture du café entraînent peu à peu l’appauvrissement de certains blancs qui s’exileront dans les hauts (petits blancs des hauts ou yabs). La compagnie des Indes fait faillite en 1764 et rétrocède l’île au Roi de France.
A partir de ce changement et des bouleversements qui en découlèrent, les différents gouverneurs restructurent l’administration de l’île qui connait de nombreux changements administratifs et judiciaires, et renoue aussi avec une période économique de développement, qui durera jusqu’à la révolution française de 1789.
1789 – 1848 : Période révolutionnaire et abolition de l’esclavage
En contrecoups de la révolution française de 1789 et son application sur l’île, une assemblée coloniale est crée en 1790, et décide notamment de rebaptiser l’Isle de Bourbon en Ile de La Réunion en 1794. L’île connaît alors une période difficile en contrecoups de catastrophes naturelles et de graves pénuries.
L’abolition de l’esclavage dans les colonies décrétée dès 1794 par la France est refusée par les colons et l’assemblée coloniale, et les 2 commissaires chargés de mettre en application ce décret sont renvoyés de force vers la France.
A partir de 1799 et la période napoléonienne, La Réunion change encore de nom pour s’appeler l’île Bonaparte, et s’en suit une décennie de guerres qui voit notamment passer l’ile sous contrôle britannique entre 1810 et 1814, pour être finalement rendue à la France en 1815, qui lui redonne le nom d’île Bourbon.
C’est à partir de cette date que la culture de la canne à sucre va fortement s’étendre sur Bourbon en réponse à la pénurie de sucre que connaît alors la France, et marquer durablement le développement de l’île mais aussi l’identité réunionnaise.
La croissance de la culture de la canne à sucre continue à rendre nécessaire une importation massive de main d’oeuvre venue de Madagascar et d’Afrique, et plus de 45 000 esclaves seront introduits à Bourbon entre 1817 et 1831. L’esclavage a connu un tel niveau d’intensité à cette époque qu’il a fini par menacer les colons eux mêmes, certains esclaves rejettent leur situation, se rebellent et épris de liberté décident de s’enfuir dans l’intérieur et les hauts de l’île, où ils seront pourchassés.
Ce n’est qu’en 1848 avec la proclamation de la seconde République que Sarda Garriga proclame l’abolition de l’esclavage à La Réunion le 20 décembre 1848. C’est aussi à cette date que l’île Bourbon redevient définitivement l’Ile de La Réunion. L’île comptait alors 62 000 esclaves.
Esclavage et Marronnage
L’histoire de l’esclavage à La Réunion n’a pas encore révélé tous ses secrets malgré les recherches récentes. Il existe en effet de vastes zones d’ombres que les chercheurs ont du mal à dissiper. Pourtant dotée d’une administration coloniale qui a laissé des sources d’archives importantes bien conservées et accessibles, on a néanmoins l’impression que l’administration de l’époque et la population dominante ont fait l’impasse sur l’existence des esclaves qui représentaient pourtant entre 60 et 80% de la population au XVIIIè et XIXè siècle, se retrouvant ainsi devant un « silence historique » sur le marronnage à la Réunion.
Les marrons, ces esclaves en fuite qui ont refusé le système servile en se réfugiant dans l’intérieur, les hauts et les montagnes de l’île dès le début de la colonisation et dont ils furent les premiers habitants, représentent encore en partie un mystère pour les chercheurs. Le marronnage a été particulièrement actif jusqu’à la moitié du XIXè siècle pour permettre la culture spéculative du café puis de la canne à sucre. Il a connu un tel degré d’intensité qu’il a représenté un danger pour les colons français qui ont su s’organiser militairement et mener une véritable guérilla contre les noirs, en majorité des malgaches, qui refusaient la servitude en attaquant les colons.
Mais qui sont ces esclaves ? Comment sont-ils logés ? Comment s’habillent-ils ? Comment vivent-ils ? Autant de questions auxquels il reste difficile de répondre. Les seuls rapports concernant les marrons ont été rédigés par les chasseurs de marrons organisés en « détachements » et devant se rendre « dans les bois à la queste des noirs marrons« . Par ailleurs, un des grands mystères du phénomène de l’esclavage à La Réunion réside dans la disparition des traces physiques engendrée par le système. La création du détachement pour la capture des noirs marrons fut mis en place par un règlement du Conseil supérieur de Bourbon en date du 26 juillet 1729, mais la chasse aux noirs marrons n’avait pas attendu les règlements royaux pour être pratiquée, et dès les débuts du XVIIIè siècle, les colons avaient mis en place des dispositions pour combattre les marrons. Tout blanc « en état de porter les armes » devait être inscrit « au rolle » de son quartier par le capitaine du quartier pour faire partie du détachement devant chasser les marrons, tandis que des primes et des esclaves furent accordés aux chasseurs pour augmenter l’émulation et récompenser les plus hardis.
Sur 784 marrons concernés par les statistiques des esclaves en fuite depuis plus de six mois, pour la période allant de 1725 à 1765, 438 seront capturés, 270 tués dans les bois, 26 morts au bloc ou à l’hôpital, et 50 mis à morts ! A l’échelle de la superficie du territoire de l’île et de sa population au XVIIIè siècle, le phénomène du marronnage ne peut à l’évidence être considéré comme un simple épisode de l’histoire…
1848 – 1946 : Colonie et crises
L’abolition de l’esclavage de 1848 ne freinera pas la culture de la canne à sucre qui vivra son âge d’or jusqu’à la crise de 1860. Les propriétaires en besoin de main d’oeuvre participent aux vagues d’immigration notamment indiennes et la production de tonnes de cannes progresse sensiblement.
A partir de 1860, une série de catastrophes naturelles et d’épidémies mais aussi la concurrence de la betterave à sucre vont plonger l’île de La Réunion dans une crise et un profond marasme dont elle peinera à se sortir malgré quelques périodes de reprises.
Après l’âge d’or de la canne à sucre, les réunionnais diversifient leur production agricole (vanille, girofle, café…) et introduisent de nouvelles cultures, notamment pour l’extraction des huiles essentielles (vétiver, ylang-ylang, géranium…).
La situation économique et sociale de La Réunion du début du XXè siècle n’en demeure pas moins fragile, d’autant que le redressement amorcé vers 1920 fut interrompu par la seconde guerre mondiale. L’entre-deux guerre en revanche se caractérise par un redressement économique de l’île et un accroissement de la population.
En 1942, l’arrivée du contre torpilleur de la France Libre, Le Léopard, permet la libération de l’île et la capitulation du gouverneur en place Pierre Aubert (resté fidèle au Maréchal Pétain), au profit d’un nouveau gouverneur André Capagorry. La Réunion se reconstruit alors politiquement et économiquement.
Le projet de départementalisation porté depuis longtemps par les députés Léon de Lepervanche, Raymond Vergès, Gaston Monnerville, Félix Eboué et Bissel est présenté à l’Assemblée Nationale et adopté à l’unanimité le 19 mars 1946. La Réunion, les Antilles et la Guyane deviennent des départements français d’outre-mer.
1946 à aujourd’hui : Départementalisation et bouleversements
Après presque 300 ans de colonie, La Réunion devient un département en 1946, mais les changements économiques et sociaux tant attendus par la population se font attendre. Les retards s’accumulent et La Réunion vit dans une situation économique et sociale très difficile, où le taux de pauvreté est très important.
Ce sont les années 1960 et aussi l’élection de Michel Debré en 1963 qui vont marquer un tournant majeur de l’histoire réunionnaise. L’île connait en effet une accélération de son histoire et une modernisation fulgurante (éducation, santé, économie, démographie, infrastructures, logement…), mais aussi des bouleversements importants. La société coloniale laisse place à la société de consommation.
En 1982, la loi de décentralisation crée le Conseil Régional et La Réunion devient une région, au côté du Conseil Général (département). La Réunion devient une région européenne en 1992 et une région ultra-périphérique de l’Europe en 1997.
La départementalisation puis la régionalisation et enfin l’Europe ont considérablement accéléré les mutations de la société et du paysage réunionnais. La démographie a connue une croissance exponentielle et en 50 ans la population de La Réunion a triplé.
L’île a connu une nouvelle accélération économique à partir des années 1990, devant notamment faire face au besoin de logements, avec une augmentation importante du nombre de constructions, qui ont été favorisée par des dispositifs de défiscalisation attractifs.
Entre 1993 et 2007, La Réunion est de loin la région française qui a connu la croissance économique la plus rapide. La crise de 2008 a marqué le coup d’arrêt de cette « belle mécanique », et l’île peine depuis à retrouver les mêmes niveaux de croissance malgré le soutien des investissements publics.
L’économie de La Réunion reste fragile et encore dépendante, elle accuse notamment un taux de chômage structurellement élevé et un taux de pauvreté encore important. La société réunionnaise reste quant à elle attachée à son histoire et ses traditions bien que plongée dans la société de consommation.
Cartes historiques de La Réunion
L’île apparait pour la première fois sur une carte datée de 1518 sous le nom de Santa Apollonia, mais les premières cartes françaises de l’Isle Bourbon datent du milieu du XVIIè siècle. Elles sont logiquement assez peu précises, particulièrement pour l’intérieur encore inexploré, même si elles font déjà apparaître des lieux et dénominations que nous utilisons encore aujourd’hui. Les premières cartographies précises de La Réunion datent des années 1850 environ. Le littoral mais aussi l’intérieur de l’île est globalement très bien identifié.